Interrogatoire de Jacques BOYER, fils.

 An 1755.

Archives de l’Hérault .Archives civiles C441.Fonds de l’Intendance.

Jacques BOYER fils d’autre, Ministre du désert et d’Anne FRAISSINETTE, d’Anduze, s’était engagé dans le régiment de Dragons de THIANGES,et n’avait pas hésiter a abjurer la religion réformée,qui aurait pu nuire à  son avancement. Dans une conversation avec l’Abbé de MONBRUN, grand vicaire de l’évêque De BELLEY, il avait dit «  que les religionnaires du Languedoc », avaient des dépôts d’armes et de poudre sur une montagne près du VIGAN, que l’on nomme « la Luzette ».

 Anne FRAISSINETTE que les documents officiels nommaient la veuve BASTIDE, du nom de son premier mari, était passée en Angleterre, avec une fille qu’elle avait eue de son second mariage.

Jacques BOYER fils, s’empressa de demander la main levée de ses biens, situés à Anduze et vacants, par le départ de sa mère et de sa sœur.

Treize ans après cette déposition, il abjura la religion romaine, après avoir quitté le «harnais du DRAGON», il épousait le 11 mars 1768, demoiselle Louise CAIROL, fille de Sieur Jean CAIROL et de Marie PEIRENC, du VIGAN.

 

Le mariage fur béni par Paul MARAZEL, pasteur d’AULAS.

 

Déposition

 

1ère demande : Interrogé sur ce qu’il aurait dit a M l’abbé de MONBRUN, grand vicaire de Mr L’évêque de BELLEY [1],que les religionnaires du Languedoc ,avaient des dépôts d’armes et de poudre sur une montagne prés du VIGAN,appelée qu’ on nomme la Luzette[2],ou il avait été creusé d’antres ,qui ont été recouverts avec des gazons pour en masquer l’entrée,et dans les souterrains pareillement creusés dans les villages d’ARPHY de BREAU et de MOLIERES,situés au pied de cette même montagne,mais que comme la montagne de la Luzette est d’une grande étendue,il faudrait désigner dans quelle partie les cavernes en questions sont situées,et prés de quelle maisons des villages nommés on a pareillement enfoui des armes,si c’est dans des jardins,des prés ,des terres,ou autres héritages et a qui ils appartiennent,enfin qu’il est essentiel de donner toutes indications qui peuvent servir a découvrir ces dépôts.

Il lui a été représenté en même temps, que ce n’est pas en donnant des avis vagues, et dont on ne puissent tirer aucune utilité, qu’il peut mériter les grâces du Roy et qu’il se mettait au contraire dans le cas de mériter punition, s’il avait chercher a en imposer par de vaines promesses qu’il ne serait pas en état de tenir ou de remplir.

 

A répondu qu’il était trop jeune quand il été dans les Cévennes avec sa famille, pour qu’on est voulu lui faire part des caches ou sont les armes, des Religionnaires, et qu’il n’y ait que les anciens qui en soient instruit. Qu’un de ces anciens l’assura un jour en lui montrant la montagne de la Luzette que c’était dans cette montagne qu’étaient les dépôts d’armes et de poudre, qu’il s’était trouvé il y a deux ans dans une assemblée, qui se tint dans le champ du nommé Sanguinéde, au dessus du VIGAN [3],et que les religionnaires étaient au nombre de  60,tous bien armés et bien résolus d’attaquer les Dragons de La Ferronays,qui étaient pour lors au VIGAN,si ils s’étaient présentés.Que le nommé Cadet Julien,connu autrement sous le nom de La Seranne[4]ci devant chasseur de feu M de RAMBION,gouverneur de Saint Hyppolite du Fort,était a la tête de l’assemblée.

Qu’il fut témoin encore que vers les huit heures du soir, du jour que l’on arrêta le nommé Bénezet,(qui a été exécuté a Montpellier), il s’assembla de tous les cotés sur la nouvelle de sa prise sur la place des châtaigniers au Vigan, environ 400 religionnaires, tous armés et qui avait projeté d’aller arrêter dans son auberge le Sieur de Polisbourg, capitaine au régiment de la Ferronays, lequel avait arrêté ledit Bénezet, et de menacer de le tuer si il ne rendait pas ledit .

 

Mais cette assemblée se dissipa,sur les représentations que firent les bourgeois du Vigan,que la ville serait ruinée,si l’on en venait a cette violence,et qu’il était préférable de tacher de l’enlever quand on le mènerait a Montpellier.

Et que réellement ils avaient pris toutes mesures convenables pour cela, mais qu’elles furent infructueuses, a répondu ledit Jacques BOYER avec assez de sincérité, qu’il est au désespoir de n’en pas savoir davantage à ce sujet, et qu’il sait bien d’ailleurs qu’il n’y a pas un particulier  dans les Cévennes qui ne possède  un fusil brisé, qu’il porte quand il va dans les

Assemblées de religionnaires, ce fusil pouvant être démonté, et pouvant être porté en poche.

 

 

 

« A été interrogé si il ne pouvait pas nommer quelques anciens qui soient au fait de ces dépôts d’armes, qu’il a dit être dans la montagne de la Luzette ?

« A répondu qu’il connaissait a Arphy, le nommé Gaubert, dont le frère était ministre, à Pallièrols, commune du Vigan, un nommé Maurin,qui est collecteur du Vigan et a un bien à  Pallièrols .Au Vigan ,le nommé Léques,maréchal restant proche du pont,et encore le nommé Serres marchand et correspondant d’Angleterre pour les religionnaires,à Campis ,au dessus du Vigan,un autre Maurin ,boiteux et sergettier,à Molières,un nommé Reboul,à Bréau un nommé Guibal[5],faiseur de bas et un cordonnier dont la fille a été enfermée dans la tour de Constance,à Aigues Mortes.

A Coularou, a portée du Vigan,les nommés Cadenat,père et fils,que les particuliers qu’il venait de nommer étaient tous des anciens,et par conséquent au fait de tout ce qui regardait les religionnaires.

« Interrogé si il n’avait plus rien de plus circonstancié à nous dire sur les dits religionnaires ? ».

Sur quoi il nous aurait écrit de sa propre main les détails suivants :

« La province des Cevennes et divisée en deux provinces ecclésiastiques : celle des hautes et celle des basses Cevennes.

Les basses Cevennes comprennent les églises d’Anduze, de Saint Jean de Gardonnenque, Lassalle, Saint Hyppolite (du fort), Sauve, Ganges, Valleraugue, Vigan et de Rouergue[6], qui est maintenant abandonné, les hautes Cevennes comprennent : Alais, Saint Jean des Anels (Saint Jean des Maruéjols, canton de Barjac), Meyruies et autres dont il ne sait le nom.

Les protestants sont plus nombreux de la moitié presque dans les basses que dans les hautes Cevennes .Il y avait aussi de mon temps ,7 ministres et 8 proposants en Théologie .Ils sont aussi nombreux dans les hautes Cevennes .Le doyen étant m. Roux[7], les messieurs Martin[8], Teissier, les frères Gabriac, [9]et autres sont ses collègues.

La province du Bas Languedoc, confine avec les deux provinces des Cevennes, la dernière église du bas Languedoc, du coté des hautes Cevennes est Ribaute.

Du coté des basses, Lezan et Quissac, le doyen est m P. Rabaut, desservant ordinairement l’église de Nimes, la plus nombreuse en Protestants de toute la France.

Ses collègues sont m Desferré[10], Clément[11], Vernézobre[12], La Coste[13]et autres.

 

D’après les cahiers personnels de l’archiviste d’AULAS, m Ferdinand TEISSIER.

 

 À Pernes les Fontaines. Décembre 2005.

Thierry DUCROS.


 


[1] Gabriel CORTOIS de QUINCEY, évêque de BELLEY (Ain).1721-1790

[2] Quartier de la montagne de l’Espérou, au pied de laquelle est bâtie le village d’ARPHY, 

[3] Au bout de la cote de l’Espérou, lieux ou se tinrent de nombreuses assemblées.

[4] Ferme de la commune de Gornies .Hérault Dict.Topo. 203. A

[5] Plus tard, un descendant de la famille Guibal de Bréau,  fonde  à Nimes  une manufacture  de Bonneterie.

[6] L’ancienne province ecclésiastique du Rouergue est comprise dans la consistoriale de Saint Afrique.

[7] Jean ROUX, né aux Crouzets prés de Barre-les –Cevennes, élève de Bétrine, commença de prêcher en1732, étudia a Lausanne, de 1737 à 1739 et exerçait encore le ministère en 1763.

[8] Jean Martin,né a la Valette,paroisse de Valleraugue,en 1725,étudia a Lausanne de 1745 a 1750,et fut pasteur a Saint André de Valborgne,et Vébron jusqu’en 1758,fut cédé a la Provence par le Synode national ,et y exerça le ministère jusqu’en 1769.on le retrouve ensuite a la Rochelle jusqu’en 1770 et dans le Saintonge vers  1781,année de sa mort. 

[9] Jean Pierre, dit Gabriac l’aîné, mort pasteur dans les environs de Florac, ou il était né, Jacques Gabriac, dit Gabriac Cadet, et Louis Victor Gabriac, dit Gabriac le jeune (A noter que la famille Gabriac a fourni 14  pasteurs a l’église réformée de France depuis 1741). 

[10] Etienne Desferré dit « le Chevalier de Labriga », né au Grand Gallargues, élève de Bétrine, prêchait depuis 1736. Reçu proposant en 1749, il étudia a Lausanne jusqu’en 1743.A son retour en France, il servit du coté d’Ales, avant d’être suspendu en 1760.il servit ensuite dans le Béarn.

[11] Simon Gibert, dit « Clément »,né a Lussan ,lui aussi élève de Bétrine,prédicateur avec Pradel et Vernézobre,étudia a Lausanne jusqu’en 1741,député du Bas Languedoc ,au synode national de 1744,pasteur a Congéniés,il mourut en mai 1767 au services des églises d’Aigues vive,Vérgése et Gallargues.

[12] Jean Pradel, dit « Vernézobre », né a Bédarieux, le 28.01.1718, il fut prédicateur avec Rabaut, et Gibert en 1738.il se maria un première fois avec Elisabeth Pongy (le 27.04.1739) et une seconde fois avec Anne Bedos (le 5.07.1761).il fut pasteur des églises de Saint Laurent d’Aigouze, et de Marsilhargues.

[13] Marc Portal dit « La Coste »né à Luziers, hameau de l a paroisse de Mialet .pris le désert en 1738, étudia a Lausanne en 1746, il fut consacré par Paul MARAZEL .Il servit dans les Cevennes jusqu’en 1766.