http://montmaur.voila.net/montmaur_enfants_hospices.htm : Vu sur le site de Marcel Sarrasin : marcel.sarrazin@laposte.net

De tous temps, les enfants abandonnés ont été pris en charge par les hôpitaux puis confiés à des nourrices de préférence à la campagne. Cependant, c'est seulement au XIXème siècle que les pouvoirs publics commencent à se préoccuper de ces enfants dont la mortalité atteint des chiffre très élevés.

Dès la fin des années révolutionnaires, on trouve dans les Hautes-Alpes de nombreux enfants confiés par les hospices de Gap, d'Embrun, de Briançon, de Sisteron. C'est par exemple le cas de Daniel "enfant envoyé de l'hospice de Gap" décédé à l'âge de 3 ans à Manteyer le 13 thermidor an XII (1) ou probablement de Rose décédée le 13 thermidor an V à l'âge de 6 mois dans la demeure de sa nourrice Suzanne JEAN aux Sauvas. Mais cette pratique remonte déjà à quelques décennies, en témoigne le décès de Clément YNGOUVILLE, enfant de l'hospice, le 12 janvier 1739 à Rambaud.

Pour sa part, le département des Hautes-Alpes n'est pas le plus "immoral" des départements Français. En 1836, le Comte Adolphe D'ANGEVILLE note que le nombre d'abandons y est de l'ordre de 25 enfants pour 1000 naissances, ce qui place le département à la 35ème place (2).

Quelques décennies plus tard, les enfants proviennent aussi des hospices d'Aix, d'Avignon et de Marseille. En 1850, le préfet des Bouches-du-Rhône signale que 3000 enfants, abandonnés à Marseille et à Aix, sont disséminés dans les départements voisins : le Var, le Vaucluse, les Basses-Alpes, les Hautes-Alpes, la Drome et l'Isère (3).

En ce qui concerne le village de Montmaur, les actes d'état civil n'indiquent clairement le placement d'enfants abandonnés au village qu'à partir de l'année 1825 avec le décès d'Euphrosine CITÉE remise à une nourrice par les administrations de l'hôpital de Gap.

En 1811, paraît un décret impérial traitant des enfants dont l'éducation était confiée à la charité publique ; l'article trois du décret porte :

       Dans chaque hospice destiné à recevoir des enfants trouvés, il y aura un tour où ils devront être exposés

Ce système de tour d'abandon permettait de déposer un enfant que l’on souhaitait abandonner, sans que personne ne puisse connaître l’identité des parents. Il s’agissait d’une sorte de tambour pivotant dans lequel on pouvait déposer l’enfant. On sonnait ensuite une cloche qui prévenait une sœur qu’un enfant avait été déposé, sans que celle-ci puisse voir qui étaient les parents.

Les abus observés conduisent à établir près du tour une surveillance vigilante. Le principal but de cette réforme était de déceler la provenance des enfants et de faire supporter par leur ville ou département d'origine les charges de leur éducation. En effet, les habitants des régions de Sisteron et de Barcelonnette avaient pris l'habitude de porter leurs enfants abandonnés aux tours des hospices de Gap et d'Embrun. Tous les auteurs citent un dénommé DAUMAS de Reynier qui faisait publicité de venir déposer les enfants des Alpes de Haute Provence à l'hospice de Gap. Pour son trafic il recevait 60 f environ par enfant, tarif porté à 90 f en 1844. Arrêté, il fut condamné à 4 mois de prison par le tribunal de Gap en 1844.

Malheureusement, cette surveillance eut pour effet d'accroître le nombre des abandons sur la voie publique. Le tour n'avait de raison d'exister que s'il demeurait secret. Un tel contrôle devait nécessairement préparer sa disparition.

Aussi, accusés de favoriser l’abandon et le vice par le biais de l’anonymat, les tours sont supprimés vers le milieu du XIXème siècle et remplacés par un bureau d'admission composé des administrateurs des hospices et des représentants de la puissance publique, chargés de questionner la mère qui apporte son bébé et de la convaincre de le garder, en compensation de secours temporaires (4).

L'enfant découvert dans le tour, on établissait un procès verbal et, à partir de 1793, un acte de naissance qui décrivait les circonstances de la découverte, ses langes qui pouvaient servir à le faire reconnaître, son sexe, son âge apparent et qui donnait un patronyme aux enfants.

En 1812, une circulaire recommande de ne pas donner le même nom à plusieurs enfants et d'éviter les noms portés par les familles locales. Cette nécessité a souvent conduit les officiers d’état civil à recourir à des dénominations érudites comme Césarine CANTORBERY décédée à Rosans, sinon fantaisistes ou ridicules comme Ève ADAM, marseillaise placée à Saint Crépin vers 1906, OLIBRIUS et MACÉDOINE, enfants placés à Rosans, ou CUISSE, à Rambaud, ANFER, BOBONNE, à Moydans, ou encore FAYOT, OPPORTUNE, à Montmaur. Mais on peut aussi rencontrer des dénominations plus affectueuses comme LEBEAU à Avançon, CHARME à Saint-Julien-en-Beauchêne, AMOUR à Rabou, ou ANGE à Moydans.

Dans l'idée de lutter contre la fraude, et d'éviter les substitutions d'enfants, les enfants abandonnés sont munis d'un collier ou cordonnet de soie dont les deux bouts sont scellés dans du plomb, avec un numéro indiquant leur numéro d'enfant trouvé, collier qu'ils doivent porter jusqu'à l'âge de 6 ans. Le port de ce collier plombé est rendu obligatoire par une circulaire en date du 20 mai 1826. Ce collier et ce numéro sont mentionnés pour la première fois dans les registres de l'état civil de Montmaur lors du décès d'Honorine PERLE, enfant portant le n°428, mise en nourrice par les employés de l'hospice de Gap chez la nourrice Jeanne GARCIN épouse de Jean Baptiste GARCIN, décédée le 18 février 1830 à peine âgée de 8 jours. Mais il faudra attendre encore 12 ans avant que ce numéro soit rappelé avec plus ou moins de régularité dans les registres du village. Par la suite, le collier sera remplacé par une boucle d'oreille.

Quelques jours après leur abandon, "aussitôt que faire se peut", les enfants sont confiées à des "meneurs" ou des "meneuses" afin de les acheminer chez les nourrices qui étaient chargées de les élever. C'est ainsi qu'Aimé SCHNEIDER, né à Marseille vers le 1er novembre 1853, est remis le 6 novembre à Virginie GONTARD épouse de Victor BARTHÉLEMY chez qui il décèdera malheureusement le 13 du même mois.

En 1821 il fut reconnu à Paris que ces meneurs se livraient depuis de nombreuses années à des fraudes de toute nature, faisant figurer sur les contrôles des enfants décédés et payant irrégulièrement les nourrices. Ces malversations ont aussi lieu et sont reconnues dans les Hautes-Alpes à tel point qu'en 1882, lors des délibérations du Conseil général, la proposition suivante est évoquée (5) :

Il serait à désirer que les nourrices se rendissent à Marseille pour prendre les enfants, plutôt que de les recevoir par l'intermédiaire des meneuses.

Pour être nourrice, il faut un certificat du curé du lieu qui "assurera sa bonne conduite, probité, santé ainsi que celle de son mari et qu’elle n’allaite aucun enfant". Ce certificat précise également si la femme est en mesure d'allaiter l'enfant au sein, et rappelle le nombre d'enfants auxquels elle a donné naissance, et à quand remonte sa dernière maternité. C’est le curé, puis après 1808 le maire, qui est le référent de l’hôpital ; il doit veiller à ce que les nourrice n’échangent pas les enfants, que le cordon et le plomb ne soient pas coupés, que la nourrice ramène les hardes de l’enfant décédé... Il s'agit d'assurer aux enfants une bonne chance de survie et une chance de réussir dans la société rurale où il a été placé (6) :

Les instructions réglementaires exigent, qu'à moins d'ordre contraire des médecins, les enfants soient tous élevés au sein, que la nourrice ait un berceau et une habitation saine. Il faut trouver non seulement une femme ayant un lait suffisant et pouvant lui assurer le bien-être indispensable, mais encore donner la préférence à des nourriciers en mesure de le conserver dans la maison où il aura été élevé. C'est à cette condition seule que l'on peut constituer au pauvre abandonné une seconde famille, et en faire un jour un honnête et laborieux cultivateur.

Dès 1837, on trouve à Montmaur des enfants placés par l'hospice de Marseille. En effet, la société estime alors que (7) :

Placer, lors de l'admission, les pupilles dans un autre département afin que les parents ne puissent retrouver leurs traces, rien de plus légitime et que rien ne vaut mieux pour eux que le placement dans une famille de paysans (7) : Il a été constaté, en effet, que la condition agricole est celle qui convient le mieux aux pupilles, tout en assurant leur avenir.

L'entretien des enfants trouvés ou abandonnés est à la charge des hospices qui les avaient reçus, mais avec l'aide de fonds départementaux votés chaque année par le Conseil général. Pour l'année 1845 en signalant qu'il s'applique à 288 enfants placés en nourrice, le préfet des Hautes-Alpes chiffre cet entretien à 18 306 f (8) :

La somme à laquelle est présumée devoir s'élever en 1845 le paiement de la pension des enfants trouvés entretenus à la campagne, calculée sur un nombre de 288 enfants, à raison de 62 f. l'un, donnera une dépense de. . . ... 17.756 fr
Les indemnités aux nourrices qui, aux termes de l'arrêté du 30 ventôse an v, auront donné des soins particuliers et continus aux enfants, s'élèveront à 150
Les frais de transport et autres menues dépenses , telles que mutations d'enfants, indemnités aux meneurs, etc 400

Les salaires des nourrices sont réglés selon une échelle décroissante ; plus forts pour les nourrissons âges de moins d'un an, il décroissent régulièrement jusqu'à l'âge de 12 ans (9). Cependant, le versement des salaires n'est pas régulier. Le Conseil général des Hautes-Alpes le signale maintes fois ; en 1881 : Les nourrices préféreraient 15 francs par mois assurés, à 17 incertains. mais aussi, autre exemple, en 1889 (10) : La commune d'Agnières a émis le voeu que les salaires nourriciers des enfants de l'hospice de Marseille placés dans cette commune, soient à l'avenir, payés plus régulièrement et qu'il y aurait lieu d'appeler sur ce point l'attention de l'administration des enfants assistés des Bouches-du-Rhône qui, j'en suis persuadé, ferait tous ses efforts pour y donner satisfaction.

Outre le salaire mensuel payé par le département, la nourrice reçoit, de l'hospice dépositaire, une layette renouvelée de six en six mois, jusqu'à l'âge de 7 ans et demi, et, en outre, un trousseau complet de première communion.

Pour certains couples nourriciers, ces ressources sont une solution à leurs difficultés financières. C'est le cas du couple Véronique LAURENT et Martin LIOTARD qualifié "indigent" en 1861 alors qu'il vient d'accueillir Marius LONG, âgé de 2 ans, placé par l'hospice de Marseille (11). C'est apparemment le seul couple à se voir confier deux enfants en même temps, le second étant Adolphe FOURNET, 3 ans en 1866. On peut penser qu'ainsi ils ont eu la possibilité matérielle d'élever leurs 4 enfants.

Le 12 mars 1839, le corps des inspecteurs et des sous-inspecteurs départementaux, chargés de la surveillance des enfants placés et des nourrices, est créée par instructions données à chaque préfet. Ils veillent à la désignation des médecins inspecteurs et à la régularité de leurs visites auprès des enfants placés. Chaque année, ces médecins inspecteurs font un rapport au Conseil général dans lequel ils indiquent le nombre d'enfants placés dans chaque commune. La fourchette est de l'ordre de 5 à 20 enfants assistés par commune (12). À Montmaur, ils sont 9 enfants des hospices, âgés de moins de 12 ans, recensés en 1861 : Marius TURIN, 6 ans ; Marius LONG, 2 ans ; Henry FURGOR, 6 ans ; Jean REYNOARD, 1 an ; Marie REY, 6 ans ; Marin FINNIS, 5 ans ; Amédé HOSTACHY, 4 ans ; Clotilde AMÉDÉE, 7 ans ; et Paul DOSE, 6 ans. Cinq ans plus tard, les recenseurs en dénombrent 6 : Jean Baptiste FAGOT, 6 ans ; Eugéne PARCOUL, 2 ans ; Henri DELVALLI DE PAZ, 7 ans ; Pierre ZACHARIE, 5 ans ; Marius LONG, 7 ans  ; et Adolphe FOURNET, 3 ans.

Il semble que dans certains cas les fratries ne soient pas séparés et qu'elles soient placées dans le même village afin de maintenir le lien qui les unit. C'est le cas pour quatre enfants abandonnés. Tout d'abord, Delphine et Marie COLLARDI, en 1836. La première, âgée d'un an est placée par l'hospice de Gap chez le couple Marguerite GUILLAUME et Jacques MARIN, la seconde, placée en nourrice chez Marie MÉTAILLER et Jean BERMOND. Et encore en 1872, Gustave, 14 ans, et Henri DEPAZ, 13 ans, placés par l'hospice de Marseille, le premier chez Marie REYNAUD épouse du boulanger Marius SERRE, le second chez Virginie GONTARD épouse de Victor BARTHELEMY.

Par la comparaison des recensements de 1861 et 1866 cités plus haut, on peut voir que seul Marius LONG continue à être élevé par ses parents nourriciers. Ce turn-over peut s'expliquer par leur refus de poursuivre l'éducation des enfants à cause de l'indiscipline des enfants ou bien la diminution du salaire avec l'âge de l'enfant car la loi prévoit que :

Si les nourrices refusent de continuer à les élever jusqu'à l'âge de 12 ans, les commissions des hospices civils qui leur ont confié ces enfants sont tenus de les placer ailleurs.

Mais ne peut t'on penser que, le rôle de la nourrice étant terminé et l'enfant ayant atteint un âge raisonnable, les hospices l'ont alors placé dans une autre famille, une famille sans progéniture, dans le but de lui assurer un avenir plus favorable ?

En 1836, Adolphe D'ANGEVILLE note que dans les Hautes-Alpes pour 100 enfants trouvés qui atteignent l'âge de douze ans, il en meurt 74, alors que le département moyen en perd 159. Treize départements présentent une mortalité moins considérable (2).

L'intervention des inspecteurs départementaux entraîne une diminution notable de la mortalité des enfants grâce à la surveillance mise en place. Pendant l'année 1881, la proportion de la mortalité des enfants placés a été de 5,33 pour cent  (5).

Mais beaucoup meurent dans les premières semaines de leur vie avant même d'être confiés à des nourrices. Et souvent lorsqu'ils sont remis à leur nourrice leur état ne présage rien de bon. En 1889, le médecin inspecteur de Gap, M. AYASSE, signale un enfant de Marseille arrivé dans un état pitoyable, "émacié, excorié, couvert de petites plaies et d'abcès" (10).

Cet état de fait se poursuivra bien après le XIXème siècle. En 1915, le docteur DAVIN de Saint-Bonnet s'offusquera que le gros contingent de la mortalité de sa circonscription soit fourni par les enfants originaires de Marseille. Il déclarera (13) : Il n'est pas rare, dit-il, que je reçoive simultanément l'avis de placement et l'avis de décès d'un même enfant. Sur 6 nourrissons des Bouches-du-Rhône placés dans ma circonscription du 5 novembre au 18 décembre 1914, quatre sont décédés quelques jours après leur arrivée dans les Hautes-Alpes.

On ne connaît pas les causes des décès des enfants placés à Montmaur. Cependant, il y a de fortes présomptions que ce soient les mêmes causes que celles observées par le docteur BOSQ à Montdauphin en 1880. Sur un nombre de 166 enfants âgés de moins de deux ans, ce médecin a constaté 22 décès, portant spécialement sur les enfants placés par les hospices. Il précise la cause des décès devant le Conseil général (9) :

La plupart des enfants ont reçu pendant leurs maladies les soins médicaux, les médicaments, et d'assez bons soins de la part des nourrices.
9 enfants ont succombé à la dysenterie, suite de l'usage intempestif de fruits ou de vin acide et d'aliments indigestes.
10 décès sont dus à la diarrhée à l'époque de la dentition et ont eu par surcroît les mêmes causes que pour la dysenterie.
2 enfants, âgés, l'un de 16 mois, l'autre d'un an, sont morts de convulsions provoquées par une dentition laborieuse et aussi par la présence de vers intestinaux auxquels sont très sujets les enfants nourris dans la région.
5 ont succombé à une affection gastro-intestinale ou athrepsie, dont ils étaient porteurs à leur arrivée en nourrice.
2, à la suite de faiblesse native qui aurait exigé les soins assidus d'une mère, atteint de coqueluche suivie de bronchite.

Mais certains auteurs invoquent aussi les conditions d'allaitement, la nourriture parfois inadaptée ou encore les multiples dangers de la vie rurale.

Si beaucoup meurent dans les premières semaines ou les premiers mois de leur vie, il n'est pas rare d'observer des décès à un âge plus avancé. On peut en relever 5 à Montmaur survenus entre 3 et 10 ans : le 18 février 1832, François GOA décède à l'âge d'environ 3 ans ; le 1er juin 1842, Antoinette GARGARI décède à l'âge de 3 ans ; le 30 mars 1855, Marie Baptistine BERELLY décède à l'âge de 4 ans et 5 mois ; le 3 novembre 1841, Delphine COLLARDI décède à l'âge de 7 ans ; et le 19 mars 1870, Pierre ZACHARIE décède à La Frédière à l'âge de 10 ans.

Dès 1845, le gouvernement envisage de faire participer les enfants des hospices à la colonisation de l'Algérie. Alors que 200 enfants des hospices de Paris âgés de 10 à 13 ans viennent d'être envoyés dans un hospice créé en Algérie, par une circulaire du 7 août 1852, il sollicite la participation des autres départements. Opposé à cette idée, le préfet des Hautes-Alpes, Augustin-Pierre LE PROVOST DE LAUNAY, refuse en invoquant des raisons financières (14). Deux ans plus tard, il réitère son refus - avec une pointe d'ironie - et regrette (15) : de ne pouvoir faire participer aucun des enfants du département aux avantages offerts par l'orphelinat de Misserghin en Algérie.

D'ailleurs, aucun département n'accepta de fournir une contribution financière ni ne voulut envoyer ses enfants trouvés ou abandonnés en Algérie. Car, compte tenu de la dénatalité de la France, comme l'écrit Gilles MÉRIEN (16) : "L'enfant trouvé devenait un bien précieux qu'il convenait de ne pas gaspiller et de conserver sur place."

Durant le XIXème siècle, les enfants placés par les hospices sont progressivement scolarisés malgré la résistance des nourriciers. Car si la personne qui reçoit l'enfant se doit - entre autres - de l'élever dans la religion de l'État, de le traiter avec bonté et douceur, et comme le sien propre, elle est aussi tenue de l'envoyer à l'école. L'assiduité est contrôlée dès 1844 et en 1851 l'état décide qu'ils entreront à l'école dès 6 ans au lieu de 8. Aussi certains auteurs indiquent qu'en 1855, 3/4 des pupilles sont scolarisés. En ce qui concerne Montmaur, on peut douter que les enfants placés à Gaspardon, à La Frédière ou dans les hameaux éloignés du village, où se trouve la seule école, aient eu la possibilité de fréquenter assidûment les cours délivrés par les instituteurs. De plus, on sait qu'à cette époque les enfants fréquentent l'école durant les mois d'hiver, malgré le froid et la neige, mais sont employés à la garde du bétail durant les beaux jours

A partir de l'âge de 12 ans, le pupille n'est plus à la charge du département, mais à celle de la famille qui l'a reçu (17). En fait, il doit se suffire par lui-même et travailler assez pour gagner au moins son entretien (6). Il est alors placé comme domestique, ouvrier agricole ou berger. C'est le cas, pour n'en citer que quelques uns, d'Édouard GRAMON, 19 ans, domestique chez ODELAY en 1836 ; de Joseph "de l'hospice de Marseille", âgé de 18 ans en 1851, domestique chez Simon BONNARDEL ; de Marius TURIN, 12 ans, domestique chez François PIOT en 1866 ; de Baptiste FAGOT, âgé de 16 ans, berger chez Joseph ODELAY en 1876 ;d'Élie PIÉROU, 12 ans, domestique chez l'aubergiste Joachim ROUX, recensé en 1881 ; de Marie GIOFFO, bergère chez Auguste LESBROS en 1866 et 1872 ou encore de Julie ILLY, décédée le 25 juillet 1857 à l'âge de 17 ans, placée chez les époux BERMOND, et de Joseph MAISTRE, décédé en 1877 à l'âge de 17 ans, domestique chez le boulanger Marin SERRE

Arrivé à l'âge adulte, les enfants trouvés mâles sont recrutés pour le service militaire. Ce qui peut expliquer pour certains leur disparition des listes de recensement.

Le mariage est un moyen pour l'enfant de l'hospice de changer sa condition, d'élever son niveau social et économique. Nous n'avons trouvé que trois mariages d'enfants des hospices placés à Montmaur. C'est relativement peu compte tenu du nombre d'enfants placés au village. Il est alors difficile de dire si l'accès au mariage est plus fréquent pour les filles de l'Assistance que pour les garçons, et si, pour tous, le mariage est célébré à un âge tardif, comme le souligne certains auteurs (18).

Pour la fille, le mariage constitue une promotion sociale. Devenue femme, elle acquiert un vrai nom de famille pour remplacer le nom qu'on lui a attribué au moment de son abandon.